Enver Hoxha

Discours prononcé au premier congrès de l’Union des Femmes Antifascistes Albanaises

1945

Chères camarades déléguées de l’Union des femmes antifascistes albanaises,

Au nom du Gouvernement démocratique d’Albanie et de l’État-major général de l’Armée de libération nationale, je salue en vous de tout cœur les dignes représentantes de l’Union des femmes antifascistes de notre pays, réunies en ce congrès historique.

Pour la première fois dans l’histoire de notre peuple, la femme albanaise participe brillamment à la vie militaire et politique du pays. Sa lutte, aussi courageuse que sacrée, a été scellée du sang des héroïnes qui sont tombées au champ d’honneur aux côtés de leurs frères, pour la libération de l’Albanie aussi bien que de la femme albanaise.

Dans cette lutte antifasciste et libératrice sanglante, la femme de chez nous a pris conscience du danger qui menaçait sa patrie et qui la menaçait elle-même ; elle a brisé avec une audace sans pareille les chaînes des vieux préjugés et à l’exemple des femmes antifascistes des peuples progressistes, elle a fièrement décidé « de mourir debout plutôt que de vivre à genoux ».

Aux moments les plus difficiles traversés par notre pays, aux heures les plus critiques du début de cette lutte héroïque, la femme albanaise, non encore organisée et politiquement arriérée, se sentit cruellement frappée. Bouleversée par les convulsions de la guerre, elle cherchait une issue, une voie de salut. Le grondement des premiers combats éveilla dans le cœur des Albanaises leur instinct de mère, de sœur, d’épouse. Elles étaient soucieuses de protéger leurs fils, leurs frères et leurs maris qui se battaient avec des moyens insuffisants contre un ennemi cruel, mieux armé et mieux équipé. La femme albanaise ne pouvait encore comprendre les perspectives de cette lutte, elle ne pouvait encore comprendre la grande contribution que la patrie attendait d’elle, mais elle n’en fut pas moins, dès le début, corps et âme avec les jeunes qui combattaient. Dans les moments difficiles que nous traversions elle nous a ouvert les portes de sa maison, elle nous a ouvert son cœur, elle nous a encouragés. Quand une terreur sans nom régnait dans Tirana, où on entendait chaque nuit crépiter des coups de feu et exploser des bombes, quand nos vaillants camarades tombaient dans les rues pour la libération de l’Albanie, nous avons vu les gestes héroïques inoubliables de nos mères et de nos sœurs, qui consentaient avec simplicité les plus lourds sacrifices, qui nous aidaient et veillaient à nous comme à la prunelle de leurs yeux. Je vois toujours le visage simple et radieux d’une vieille mère, une inflexible compagne de combat de nos premiers affrontements. Symbole de la femme albanaise, engagée dans sa lutte gigantesque, elle nous disait aux moments les plus critiques : « Je ne sais pas parler comme vous, mais je suis bien sûre que nous l’emporterons ; c’est pourquoi je vous engage, mes enfants, à poursuivre votre combat, car moi aussi je suis prête à mourir avec vous ! » Et cette vieille mère, cette compagne de combat et qui partageait avec nous de dures épreuves, ne perdit jamais confiance, pas plus que ne perdirent confiance toutes les femmes antifascistes albanaises. Aujourd’hui, malgré son âge avancé, elle m’écrit des montagnes de l’Albanie du Nord où elle combat, le fusil à la main : « Ce que me disaient Qemal Stafa et ses camarades s’est réalisé, et je me sens plus forte que jamais ».

La femme antifasciste albanaise a trouvé sa voie, la voie du salut qu’elle cherchait. C’était la voie de la lutte. Dans les villages et les villes, le sang pur de nos mères et de nos sœurs, ce sang qui a coulé dans les rues, était comme un appel au combat, l’appel d’une volonté nouvelle et d’un monde nouveau qui se dressaient. La lutte légendaire de nos compagnes que rien n’arrêtait lorsqu’elles se lançaient comme des lionnes à l’attaque des Allemands et des traîtres, était l’expression d’une nouvelle force, qui naissait dans notre pays, d’une force qui se manifeste aujourd’hui dans ce Congrès et qui jouera dans l’Albanie nouvelle que nous construisons un rôle primordial.

La femme antifasciste albanaise a conquis ses droits en versant son sang, et ces droits lui sont garantis par le pouvoir du peuple que, de concert avec ses frères, elle a édifié en sacrifiant ce qu’elle avait de plus cher. Ils lui sont garantis par son armée et par son peuple.

Le grand Congrès historique des femmes antifascistes auquel nous assistons aujourd’hui donnera une forte impulsion à la promotion des femmes albanaises qui, pour réaliser au mieux et le plus rapidement possible leurs aspirations sacrées, s’organiseront et resserreront leurs rangs dans leur organisation des Femmes antifascistes albanaises. Toutes les femmes d’Albanie doivent adhérer à cette organisation au sein de laquelle elles assureront leur promotion, elles s’éduqueront dans l’esprit nouveau, dans l’esprit progressiste. Elles y apprendront à combattre pour défendre leurs droits et elles deviendront en même temps de dignes mères. Des horizons nouveaux et radieux s’ouvrent devant la femme antifasciste albanaise, et pour atteindre les idéaux élevés pour lesquels sont tombées tant d’héroïques combattantes, tant de ses compagnes, la femme de chez nous, avançant côte à côte avec les hommes et jouissant de l’égalité des droits, se lancera sans réserve dans la lutte et dans l’activité politique et sociale de notre pays. C’est seulement ainsi que nous hâterons la libération complète de l’Albanie, que nous reconstruirons notre patrie bien-aimée et que la femme albanaise atteindra l’objectif qu’elle souhaite et mérite d’atteindre. L’Union des femmes antifascistes albanaises bénéficiera de tout le soutien du Gouvernement et du Pouvoir sur sa voie du progrès. De leur côté, le Gouvernement et le Pouvoir jouiront de l’aide précieuse de l’Union des femmes antifascistes albanaises.

Aux mères et sœurs de nos combattants qui ont libéré toute l’Albanie du Sud et qui sont à présent aux portes de Tirana et de Shkodër pour assurer la libération complète du pays, j’apporte le salut de toute l’Armée de libération nationale et l’assurance que nos combattants sont fiers d’elles. En voyant leurs mères et leurs sœurs, unies comme un bloc, à leurs côtés dans la lutte pour la liberté, ils se sentent plus forts. Et vous, mères de nos héroïques partisans et partisanes tombés au champ d’honneur pour la libération du peuple et de la patrie, levez la tête et raffermissez vos cœurs. Notre peuple et les peuples épris de liberté s’inclinent tous avec respect et vénération devant le sang et les restes sacrés de vos fils et filles que vous avez élevés et dont vous avez fait don à la Patrie. Leur sang et leurs cendres, qui ont cimenté et renforcé les fondements de l’Albanie nouvelle, sont l’autel sacré de la nation, où tout notre peuple uni et organisé puisera tous les jours davantage la force d’âme qui le portera en avant, vers le progrès et la prospérité, vers les idéaux pour lesquels vos enfants sont tombés en héros.

Gloire à nos héros qui ont donné leur vie pour la libération de la patrie !

Vive le premier Congrès des femmes antifascistes !

Vivent les femmes antifascistes de notre pays ! Vive l’Union des femmes antifascistes albanaises !

Vive l’Albanie libre et démocratique !


« Discours au 1er Congrès de l’UFAA », Imprimerie « Bashkimi »