Enver Hoxha

La juste cause des peuples arabes est invincible

24 novembre 1977

Récemment les problèmes du Moyen-Orient ont attiré l’attention de toute l’opinion publique internationale. La raison en est la visite du président égyptien Sadate à Jérusalem et les entretiens qu’il y a eus avec le Premier ministre israélien Begin. [1]

On parle beaucoup de la « paix », mais la juste et la vraie solution des problèmes du Moyen-Orient n’apparaît pas à l’horizon. Israël, cet instrument armé des intérêts politiques, économiques et militaires des impérialistes américains au Moyen-Orient continue d’occuper des terres arabes, les Palestiniens sont toujours sans patrie, les superpuissances poursuivent leurs intrigues et leur ingérence dans les affaires intérieures des peuples de cette zone

De temps à autre les ennemis des peuples arabes avancent à bruit des plans et des projets des plus divers qui sont censés devoir soi-disant « apporter » une solution aux problèmes qui préoccupent le Moyen-Orient et mettre un terme au conflit arabo-israélien qui dure depuis 30 ans. On a beaucoup entendu parler de ces plans, plans Rogers et Kissinger, Gromiko et Vance, plans de cheiks et des missionnaires de l’ONU. Mais rien n’a changé ni ne pouvait changer la situation. Tous ces plans ont visé et visent à étouffer la lutte de libération des peuples arabes, à les contraindre à renoncer à leurs intérêts nationaux suprêmes, à abandonner le peuple palestinien à son sort et à le laisser sans feu ni lieu, à l’amener à capituler devant les chantages des Israéliens et finalement à se soumettre complètement au joug étranger de l’impérialisme.

Les peuples arabes connaissent bien leurs ennemis. Ils savent qu’il leur faut démasquer, isoler et combattre leurs agresseurs. Ils savent que le féroce agresseur des peuples arabes, qui s’attaque à leur liberté, à leur indépendance et à leur intégrité territoriale, n’est autre qu’Israël, qui a ensanglanté plus d’une fois les peuples arabes, nos frères, occupé leurs terres et a menacé constamment d’étendre encore son expansion. Israël ne laisse passer un jour sans frapper et massacrer le glorieux peuple palestinien, ce peuple de longue souche, qu’avec le soutien et l’incitation des impérialistes américains il a privé de sa patrie. Contrairement à toute justice historique internationale et humaine, il a été transplanté de force de ses foyers, du pays où il est né et où il a vécu au cours des siècles, où il a développé sa civilisation, dont tout le monde en a tiré profit. Il s’est maintenant éparpillé et il mène une malheureuse existence d’exilé chez ses frères arabes. Mais bien que meurtri et mutilé, le peuple palestinien a gardé bien vivant son esprit de combat et sa haute conscience nationale. Il n’a jamais déposé ses armes dans sa lutte pour la reconquête de la liberté, de ses droits et de sa patrie. La lutte héroïque de libération qu’a menée et mène le peuple palestinien demeurera dans l’histoire un exemple vivant des petits peuples qui n’ont peur d’aucun ennemi si puissant soit-il, et qui, quand il s’agit de défendre la liberté et leurs droits, sont prêts à consentir à n’importe quel sacrifice, à supporter toutes les privations et toutes les épreuves, si long et si dur que soit leur combat.

Le peuple albanais, qui se sent très proche de la lutte du peuple palestinien, nourrit un amour sincère, un respect et une admiration sans bornes pour ce peuple vaillant et très éprouvé et il croît fermement à sa victoire finale.

De multiples efforts ont été et continuent d’être faits en vue d’une entente et d’un compromis arabo-israéliens, méconnaissant et bafouant ainsi les intérêts vitaux des peuples arabes et surtout des peuples palestinien et syrien. C’est là une solution blâmable et qui n’est accepté ni par les peuples arabes ni par leurs vrais amis ni par tous ceux qui aspirent à la liberté et à l’indépendance de tous les peuples. Notre peuple en tant qu’ami proche et fidèle des peuples arabes considère que ces efforts visant à un compromis vont à rencontre des intérêts des peuples arabes, favorisent l’impérialisme et encouragent l’agression israélienne.

Toute l’opinion progressiste et patriote arabe, des Palestiniens eux-mêmes aux Syriens en passant par les Algériens, les Irakiens et les Libyens et jusqu’aux Égyptiens, s’est prononcée ouvertement contre l’accord et le compromis conclus avec Israël. De même, tous ceux qui luttent vraiment contre l’impérialisme américain et le social-impérialisme soviétique, contre la réaction et l’oppression, tous ceux qui sont pour la liberté des peuples et leur lutte de libération, ont critiqué et condamné sans équivoque cet arrangement avec Israël et ont pris fermement position contre le compromis passé avec lui.

En revanche, à l’opposé de cette grande partie de l’opinion saine, on ne voit guère les « non-alignés » jouer leur carte. Ils se taisent et manœuvrent à grand-peine pour sortir des situations difficiles où les place le plan en vue d’un arrangement avec Israël. Qu’en est-il de tous ces discours et serments pour la défense des droits des peuples arabes et palestinien, qu’en est-il de toutes ces résolutions et décisions pour une « juste solution » du conflit au Moyen-Orient, ces oppositions du haut des tribunes des conférences à toute intervention impérialiste dans cette zone ?

Ce silence de ces amateurs fervents de paroles n’est pas occasionnel. Les événements concrets et le développement de la lutte de classes mettent en lumière la fausseté des « théories » ou des « mouvements » destinés à étouffer les luttes révolutionnaires et de libération et à tromper les peuples. Quand il s’agit de défendre leurs intérêts, les impérialistes eux-mêmes soulignent cette fausseté sans pour autant se soucier des mauvaises postures dans lesquelles ils placent leurs amis. Que peuvent bien dire les théoriciens et les tenants du mouvement des « non-alignés » alors que des porte-drapeau du « non-alignement » se font les protagonistes de pareils compromis, se mettent ouvertement sous la férule de l’impérialisme, font son jeu, suivent une politique qui n’est indépendante que par la forme, une politique qui leur est dictée et qui sert les intérêts étrangers aux peuples arabes ?

Le mouvement des « non-alignés » peut continuer à vivre encore dans des conférences, dans des réunions et sous forme de propagande, mais il est mort depuis quand, au Moyen-Orient et dans les déserts d’Osaden, en Angola et au Zaïre, il s’est montré incapable de cacher le fait que beaucoup de gouvernements des pays qui se disent non-alignés sont liés avec telle ou telle grande puissance capitaliste ou impérialiste et que dans bien des cas ils font le jeu de l’impérialisme et soutiennent ses intérêts néocolonialistes et expansionnistes. Il est désormais incapable de cacher et de justifier avec des sophismes creux les interventions, les intrigues et les manœuvres des superpuissances impérialistes dans beaucoup de pays « non-alignés»-, de cacher et de justifier les actions pro-impérialistes et hostiles aux luttes de libération de nombreux chefs de gouvernement de ces pays.

En ce qui concerne l’accord et le compromis passés avec Israël on ne voit pas non plus bouger ce qu’on appelle le « tiers monde ». On ne voit pas non plus les partisans de cette théorie, qui s’époumonent à démontrer à coup de citations qu’ils aident les luttes de libération des peuples et défendent leurs intérêts, prendre ouvertement part pour la juste cause des peuples arabes et les soutenir. Pourquoi ne le font-ils pas ? Faudrait-il par hasard sacrifier les intérêts des Arabes, leurs territoires, le destin et la vie des Palestiniens au nom des alliances avec le « deuxième monde » et les États-Unis ? Ou bien est-ce peut-être ce qu’exigent les intérêts suprêmes des superpuissances impérialistes et que les petits peuples et les simples gens n’arrivent pas à comprendre ?

On comprend bien la position nullement commode où se trouvent les tenants de la théorie des « trois mondes » qui voient l’accord et le compromis avec Israël désarticuler et embrouiller le schéma qui unit leurs « mondes » à eux. La question qui se pose est simple : En faveur de qui est cet accord ? Du « premier », du « second » ou du « troisième monde » ? Sert-il la libération des peuples ou l’oppression nationale, la lutte anti-impérialiste ou l’extinction de cette lutte ? Leur silence prouve qu’aucun artifice de propagande ne peut justifier cet arrangement, que dans le cas présent les slogans et les « théories » ne peuvent modifier la nature des faits.

Peut-on considérer la politique des impérialistes américains comme une politique de non agression et de retrait alors qu’ils protègent et soutiennent Israël, leur satellite le plus agressif ? A notre époque une guerre d’agression se prépare progressivement à travers des guerres partielles en poussant à des agressions isolées et à des guerres locales. Si les impérialistes américains déclarent qu’ils sont prétendument pour le statu quo, cela ne veut pas dire qu’ils aient renoncé à leurs visées d’agression et d’expansion mais que ce « statu quo » convient à leurs visées hégémonistes aux dépens des peuples arabes et qu’il sert tant les intérêts impérialistes des États-Unis que ceux d’Israël, leur allié.

Nous nous élevons contre la politique d’agression de Carter, sous quelque manière qu’il la déguise, et nous la démasquons. Nous dénonçons tous ceux qui cherchent à faire passer la politique américaine du « statu quo » pour une politique non pas agressive mais défensive. L’impérialisme américain n’a pas encore perdu ses dents et n’a pas rogné ses griffes. Défendre la politique du « statu quo », cela veut dire défendre les conquêtes impérialistes, défendre la division du monde entre les grandes puissances, défendre le néo-colonialisme et l’exploitation dont sont l’objet les peuples opprimés par l’impérialisme et les autres puissances capitalistes. Défendre le « statu quo » c’est donner sa bénédiction à l’occupation du territoire arabe par les Israéliens et au transfert forcé des Palestiniens de leur patrie, c’est défendre les bases militaires installées dans des pays étrangers, les blocs agressifs de l’impérialisme, les sociétés monopolistes multinationales, tout le système impérialiste d’oppression et d’exploitation.

Le Parti du Travail d’Albanie et le peuple albanais rejettent avec mépris toutes les machinations impérialistes. Notre peuple a été et sera toujours pour la juste cause des peuples arabes, il se tiendra à leurs côtés quel que soit le cours des choses, dans le succès et la victoire comme dans l’adversité et les revers passagers. Notre peuple est numériquement petit, mais il fraternise sans réserve avec tous les peuples qui comme les peuples arabes et africains luttent pour la liberté et le bon droit.

Les faits et l’évolution internationale montrent clairement que les superpuissances impérialistes élaborent leur politique générale sur la seule base de leurs intérêts égoïstes. C’est à qui établira plus solidement et rapidement son hégémonie sur les peuples, les continents. Chacune d’entre elles, quand elle a déjà profondément planté ses griffes dans des pays où groupes de pays comme quand elle a seulement planté les jalons de son expansion, a pour seul but de leur imposer sa politique.

C’est ainsi que les social-impérialistes soviétiques cherchent par tous les moyens à tromper les directions de divers pays d’Afrique en s’affublant du masque de pays socialiste et en se posant en champions de la liberté. Ils leur vendent des armes et obtiennent d’eux en retour le droit d’y installer des bases militaires appelées à servir leurs intérêts de domination et d’expansion impérialistes.

Mais dans le même temps une autre puissance impérialiste, les États-Unis, manœuvre rapidement et faisant jouer agents, crédits, armes et dollars, met tout en œuvre pour chasser sans tarder les social-impérialistes soviétiques de ces pays. La compétition des superpuissances pour la domination et l’hégémonie est une lutte sans quartier. Elle n’obéit à aucune norme morale. La mystification et la perfidie y vont de pair avec le crime et la violence.

Toujours est-il que ce sont les peuples qui font les frais de ces jeux funestes des superpuissances et qui deviennent l’enjeu de la farouche rivalité soviéto-américaine. On voit les peuples de Somalie et d’Éthiopie, ces deux peuples épris de liberté et de paix, dotés d’une culture ancienne et qui ont tant souffert du fait des colonialistes italiens se faire la guerre et s’entre-tuer. Mais ces peuples veulent-ils cette guerre qui leur cause tant de souffrances et de misère ? Nullement. Peuvent-ils aplanir leurs différends sans recourir aux armes ? Certes oui, ils le peuvent en trouvant des voies plus adéquates. Alors pourquoi se battent-ils ? Évidemment parce qu’ils y sont poussés par d’autres, par les puissances et les superpuissances impérialistes qui n’ont en vue que leurs intérêts rapaces et hégémonistes.

Alors que le sang de ces malheureux peuples coule à flots et que leur inimitié mutuelle ne cesse de croître, on voit des puissances impérialistes et capitalistes prendre parti tantôt pour l’un tantôt pour l’autre, applaudir tour à tour l’un et l’autre sans ébaucher le moindre geste pour aider ces peuples éprouvés à retrouver la paix et à se bâtir une vie entièrement libre et indépendante.

La politique du Parti du Travail d’Albanie a toujours soutenu la lutte de libération nationale et les intérêts des peuples. Elle a été et est toujours ouverte et conforme aux principes. Comme cela a été souligné au VIIe Congrès du PTA, notre Parti estime qu’il faut parler ouvertement des situations aux peuples, car c’est seulement ainsi que l’on contribue à les unir véritablement, à unir les États et les gouvernements anti-impérialistes et progressistes. Pour que les peuples soient unis dans la lutte pour la libération, l’indépendance et le progrès social, contre toute exploitation et oppression exercées sur eux par quiconque, il faut avant tout mettre les points sur les i, il faut leur montrer quel est leur ennemi principal, leur expliquer clairement contre qui ils doivent lutter et avec qui s’unir.

Les peuples doivent se garder des intrigues des superpuissances impérialistes qui ont coutume de se présenter à eux en amis, en sympathisants, alors que leur vrai but est de les soumettre, de jeter les fondements de leur propre hégémonie. C’est ce qui se produit en Angola, au Zaïre et ailleurs. C’est ce qui se passe depuis longtemps au Moyen-Orient où une grande tragédie se joue sur les destinées des peuples arabes. Dans cette région les super puissances impérialistes tirent toutes les ficelles, et s’y relaient pour satisfaire leurs ambitions d’expansion et d’exploitation.

L’histoire des luttes révolutionnaires et de libération ainsi que la pratique de la vie quotidienne nous enseignent qu’il ne faut pas laisser les ennemis en paix pour qu’ils aient le temps d’aboutir à des arrangements, de regrouper leurs forces et d’organiser leur lutte contre les peuples. Nous sommes pleinement convaincus que tous les peuples qui sont opprimés et qui souffrent sous le joug des impérialistes et de la réaction, tous ceux qui aspirent à la liberté et à l’indépendance de leur pays, se mobiliseront davantage pour démasquer les plans et les objectifs des superpuissances impérialistes visant à juguler la révolution et à asservir les peuples et intensifieront leur lutte révolutionnaire pour affronter et vaincre l’ennemi.

[1] En novembre 1977.


Zëri i popullit
Le camarade Enver Hoxha a traité largement des événements et des problèmes politiques du Moyen-Orient dans son ouvrage Réflexions sur le Moyen-Orient, publié en 1984 en albanais et en quelques langues étrangères.