#title Et maintenant, en avant contre l’Irak ! #author Mumia Abu-Jamal #date Novembre 2001 #lang fr #pubdate 2024-12-16T01:38:14 #authors Mumia Abu-Jamal #topics Irak #notes écrit en novembre 2001 dans le couloir de la mort Avec l’objectif atteint d’un Afghanistan perclus de bombardements et apparemment pacifié, nous voyons l’Amérique ériger, une fois de plus, l’Irak en démon-du-moment. Le dernier prétexte en date pour faire de l’Irak une cible des médias et de l’appareil militaire, est que ce pays possède des armes de destruction massive. Mais quel pays n’en possède pas ? L’ancien président, Bill Clinton, avait déjà joué la carte de l’Irak quand il avait accusé le gouvernement de Bagdad d’être le seul à utiliser des armes de destruction massive même si l’Irak n’était pas le seul pays à en posséder. L’éminent historien, Howard Zinn, auteur de l’ouvrage incontournable « Histoire des États-Unis vue par ses peuples », a déclaré que seule une nation qui tourne le dos à son Histoire serait capable d’accepter l’argumentation de Clinton. On ne peut soutenir de telles contrevérités qu’auprès d’une population spoliée de son histoire ! Les États-Unis ont équipé la Turquie, Israël et l’Indonésie avec de telles armes et ces pays les ont utilisées contre leurs populations civiles. La nation la plus coupable est donc bien la nôtre. Aucune nation sur la planète ne possède autant d’armes de destruction massive et aucune nation ne les a utilisées plus souvent que nous, avec des pertes en vies civiles plus importantes. A Hiroshima, des centaines de milliers sont morts, en Corée et au sud Vietnam des millions sont morts à cause de l’utilisation de telles armes. L’audace de l’hypocrisie exhibée par une nation comme la nôtre, capable d’accabler de menaces une autre nation sous prétexte qu’elle possède des armes de destruction massive, est sidérante. Les peuples asiatiques et arabes ne doivent pas en croire leurs oreilles. Le dérapage de Clinton vers la droite pendant son deuxième mandat est aujourd’hui reproduit par Bush fils, lequel recycle le mensonge de son prédécesseur : ce bon vieux mythe des armes de destruction massive. C’est là également l’occasion pour Bush Jr de réparer l’échec de Bush père dans la mesure où celui-ci avait omis de discipliner, comme il se devait, l’Irak parce que cette nation avait osé se conduire en État souverain et non en État vassal (ou État client) inféodé à l’Empire Américain. Pour pousser plus loin encore cette hypocrisie, sachez que certaines des armes détenues par l’Irak étaient en effet des armes de destruction massive, ce que Washington ne pouvait ignorer puisque ce sont des équipements militaires américains qui furent livrés aux Irakiens pour mieux leur donner les moyens de tuer leurs adversaires iraniens. Les États-Unis, la Grande Bretagne et d’autres puissances occidentales se sont considérablement enrichis en vendant de telles armes non seulement à l’Irak mais aussi à l’Iran. Les deux adversaires ont utilisé ces armes avec une efficacité redoutable au cours d’une guerre qui dura huit ans et provoqua la mort de 800.000 personnes, peut-être même 1 million de femmes, hommes et enfants. Courroucés par l’expulsion du Shah et la montée du feu ayatollah Khomeini, les États-Unis se sont frottés les mains avec une joie toute mercantile tandis qu’ils armaient et poussaient au combat les Irakiens tout proches. Les alliés d’hier sont les adversaires de demain. Et ce demain est arrivé : la poussière des bombardements répétés a à peine eu le temps de se mêler à la dure et froide terre afghane que l’Amérique cherche à étendre la série de ses nouvelles croisades à l’Irak. Alors que l’Irak a subi dix ans de bombardements ininterrompus des puissances occidentales ; alors que ce pays ne s’est pas encore relevé de pertes civiles s’élevant à près de 500.000 morts ; alors que l’Irak est devenu un grand dépotoir de déchets toxiques à force de bombardements chimiques !
Ne s’agit-il pas là d’un crime en violation de la législation internationale? [1] Wm Blum, Rogue State, Common Courage, 2000, p. 159